Une logistique inversée efficace, la clef du succès de votre modèle circulaire

29 octobre 2018
Thomas Vandenhaute

Si vous souhaitez réutiliser et redistribuer des produits et pièces usagés ou cassés - qu'ils aient ou non été remis à neuf ou reconditionnés - ou les recycler, vous devez d'abord les récupérer auprès des utilisateurs finaux. La mise en place d'un système efficace de logistique inversée est importante pour étayer votre stratégie circulaire par des arguments commerciaux positifs.

Nous vous proposons quelques pistes de réflexion quant à la manière d’organiser votre logistique de retour de manière rentable.

Tout commence par la valeur (résiduelle) et le rapport volume-distance

Il est logique que la valeur (résiduelle) des marchandises à transporter détermine la manière dont vous organisez la logistique des retours. La distance de transport et le volume disponible sont également déterminants. Plus le rapport " volume-distance " est important, plus il devient possible d'organiser l'opération de manière rentable.

  • Pour les produits complexes ayant une valeur (résiduelle) élevée (grandes machines de production, équipements médicaux, etc.), il est justifiable, sur le plan économique, de les faire transporter directement du client au producteur par un partenaire logistique spécialisé.
  • Pour les produits de moindre valeur (résiduelle), on recourt souvent à un service à origines multiples (clients et distributeurs) et à destination unique (fournisseur/transformateur), le transport individuel étant alors trop onéreux. L'objectif consiste à regrouper les flux de retour au maximum. Les appareils de faible valeur résiduelle sont donc rassemblés pour créer un flux de valeur suffisante.

Associée au coût du transport, la valeur (résiduelle) des produits hors d'usage à transporter détermine également le rayon dans lequel les opérations de logistique inversée sont rentables. Ainsi, les recycleurs se limitent souvent à un rayon de 250 à 300 km pour récupérer les déchets et sous-produits.

La logistique inversée comme partie intégrante des services fournis aux clients

La recherche de l'optimisation de l'offre de services dans son ensemble place la logistique inversée dans une autre perspective. Vous pouvez songer à l'associer à des activités qui renforcent votre offre de services et génèrent de la valeur, par exemple en combinant la reprise des appareils ou des pièces usagés ou cassés avec leur remplacement direct.

Se fonder sur les besoins des clients permet aussi d'ouvrir la voie à des activités commerciales complémentaires ou totalement nouvelles.

Prenons l'exemple de Contraload. Cette entreprise ne se contente pas de vendre ou de louer des porteurs de charges, mais se concentre également sur leur mise en commun et leur partage. Ainsi, les clients disposent toujours de la quantité souhaitée au bon moment et ce, sans frais d'investissement. Les porteurs de charges sont ensuite réutilisés après inspection, nettoyage et éventuels travaux de réparation. La livraison et la collecte sont optimisées et l'intensité d'utilisation renforcée grâce à des économies d'échelle. Les porteurs de charges font l'objet d'un suivi dans toute l'Europe et, dans la mesure du possible, sont livrés au niveau local pour limiter le nombre de kilomètres parcourus. La logistique des retours fait donc partie intégrante des services que Contraload propose à ses clients.

En d'autres termes, ce n'est pas la logistique inversée en soi qui doit être rentable, mais le service dans son ensemble, évidemment.

Intégration de la logistique traditionnelle et inversée

Déterminez s'il est possible, pour récupérer les marchandises usagées, d'exploiter le réseau logistique utilisé pour transporter les produits de votre site aux utilisateurs finaux, ce qui peut permettre d'éviter les parcours à vide. Pour les meubles (bureaux, lits d'hôpitaux, mobilier scolaire, etc.), on combine souvent la livraison de nouveaux produits avec la reprise des anciens meubles afin que le client puisse passer de l'ancien au neuf en une seule intervention.  

Autre exemple : Agfa Gevaert, qui organise des " tournées " : les nouveaux circuits imprimés sont déposés chez les imprimeurs en même temps que les anciens sont repris.

Optimisation du premier kilomètre de la logistique des retours

Réfléchissez aux mesures que vous pouvez prendre pour optimiser le service à origines multiples et à destination unique.

  • Le client ou l'utilisateur peut-il prendre en charge le premier kilomètre du retour lui-même, ce qui lui permet de retourner un produit le plus facilement possible ?
  • Existe-t-il des systèmes (collectifs) de retour qui permettent également de récupérer vos produits mis au rebut ?
  • Des centres régionaux de collecte peuvent-ils être mis en place pour prendre en charge le premier kilomètre ?

Voilà des moyens potentiels de réduire la complexité et le coût du premier kilomètre du retour. Ces démarches permettent aussi de regrouper les flux de retour et donc d'optimiser encore davantage la logistique inversée.   

Certains magasins IKEA proposent des programmes de reprise des vieux meubles. Lorsque les clients ne veulent plus des produits et qu'ils sont encore en bon état, ils peuvent les rapporter à IKEA, qui se charge alors de les " surcycler " et de les revendre en seconde main. Les clients qui rapportent des meubles usagés sont récompensés par un bon d'achat. Et s'ils n'ont pas de voiture pour rapporter les articles, certains magasins IKEA, au travers de partenariats locaux, mettent gratuitement un véhicule à leur disposition pendant quelques heures.

AW Europe assure le reconditionnement des boîtes de vitesses automatiques de nombreux constructeurs automobiles (OEM). Ces derniers disposent de leurs propres centres de collecte locaux, implantés compte tenu de la répartition géographique de leurs produits (ou marchés). En fonction des demandes de leurs clients portant sur des boîtes de vitesses " remanufacturées ", ces marques expédient d'anciennes boîtes à AW Europe. C'est donc le fabricant (OEM) qui paie et optimise la logistique des retours.  

Traitement décentralisé proche des utilisateurs finaux

Est-il toujours nécessaire de rapporter les produits ou pièces là où ils ont été fabriqués ? Ou pouvez-vous organiser les activités de réparation, de remise à neuf ou de tri et de recyclage sur des sites plus proches des utilisateurs finaux ? L'inspection et le démontage, par exemple, peuvent souvent être décentralisés dans de plus petits ateliers pour être assurés de manière rentable, puisqu'ils ne nécessitent pas d'infrastructures ou de volumes de traitement importants.

Cisco répare les produits rapportés et stocke les produits réparés. Les clients reçoivent généralement une unité de remplacement dans les 24 heures et peuvent renvoyer le produit défectueux dans la boîte de l'appareil de remplacement. Dans le monde entier, Cisco dispose de 15 grands sites de réparation qui alimentent à leur tour un réseau de 1300 dépôts de pièces. Les stocks se trouvent ainsi à proximité des clients. (Voir Cisco Services Repair and the Circular Economy, Anna Swenson & Paul Quickert, Cisco, 2017).

Toutefois, de nombreux processus de recyclage nécessitent des investissements importants et ont donc généralement lieu sur des sites plus centraux. À nouveau, il peut être intéressant de réduire au minimum le transport des matériaux recyclés jusqu'à la production.

Afin de minimiser l'empreinte carbone de Plastipak, une usine de production de préformes a été construite sur le même site que l'usine de recyclage du PET. Le PET recyclé (ou rPET) peut ainsi être transformé en préformes et bouteilles directement à partir de l'usine de recyclage. En 2012, une coentreprise avec Coca-Cola Enterprises a été annoncée afin de porter la capacité de l'usine de recyclage à 48 000 tonnes de rPET de qualité alimentaire par an, ce qui fait de cette usine " bouteille à bouteille " en circuit fermé le plus grand producteur de produits en PET recyclé d'Europe.

Les technologies numériques peuvent être d'un grand soutien

Les technologies numériques vous permettent de savoir exactement où se trouvent les produits usagés/mis au rebut/regroupés. Pensez notamment à des localisateurs qui déterminent avec précision l'emplacement d'un produit particulier, par exemple en combinant le Wi-Fi, le GPS et les antennes-relais. Pour partager aisément les produits avec différents utilisateurs, il est important de pouvoir les localiser rapidement. La connaissance de l'emplacement permet de savoir où se trouvent les produits ou les pièces dans la base installée et de planifier les services aussi efficacement que possible. Le traçage vous permet également d'optimiser la logistique inversée lorsque les produits arrivent à la fin de leur (première) vie commerciale, en vue de leur éventuelle réutilisation par un autre client ou de leur recyclage. Les économies en termes de kilomètres permettent souvent d'amortir le coût de l'installation des capteurs et de la surveillance " intelligente " des données.

L'entreprise Solar Street Bin, par exemple, dispose d'un système de conteneurs intelligents qui indiquent quand elles doivent être vidées. Le niveau de remplissage est mesuré à distance par des capteurs et transmis par télécommunication (sans fil). La collecte n'a donc plus lieu à intervalles réguliers, par exemple toutes les deux semaines, que les conteneurs soient pleins ou non, mais uniquement lorsqu'elle est vraiment nécessaire.

Un premier pas : les spaghettis...

Faites l'inventaire des flux de matériaux et de produits, des mouvements financiers, des activités circulaires (entretien, inspection, reconditionnement, etc.) et des acteurs qui les réalisent ainsi que des opérations de transport et de stockage. Sur la base d'une telle visualisation de l'écosystème - un diagramme spaghetti - les organisations et activités peuvent ensuite être regroupées en fonction de l'expertise, de la géographie, etc. On peut alors réfléchir à la manière d'optimiser la logistique et aux types de collaborations qu'il serait intéressant d'engager. Est-il opportun de prévoir des centres locaux pour la reprise ou de faire appel à des équipes de services locales et, dans l'affirmative, où ? Quel est le cycle de collecte le plus efficace ? Comment planifier la collecte et la livraison des produits groupés, de manière centralisée ou décentralisée ? Etc.

Nous nous sommes également renseignés auprès de Mathias Fahy de Möbius Business Redesign, expert en gestion des chaînes d'approvisionnement et en durabilité. Il résume bien la situation.

" Les pionniers de l'économie circulaire voient dans la logistique inversée l'un des quatre éléments fondamentaux d'un modèle circulaire efficace - avec le modèle commercial, la conception des produits et la collaboration. La logistique 'traditionnelle' est déjà maîtrisée par de nombreuses entreprises, mais c'est rarement le cas de la logistique inversée. "

  • Dans le cadre de la mise en oeuvre d'un modèle circulaire, la logistique (et les opérations) de retour implique souvent des coûts et des efforts que l'on a tendance à sous-estimer. Dans de nombreux cas, c'est même elle qui fait que les arguments commerciaux tiennent la route ou non.
  • Le dernier kilomètre est remplacé par le premier, qui représente 40 à 70 % du coût de la logistique inversée.
  • La recherche de l'effet d'échelle et de périmètre (coopération au sein de la chaîne) se traduit par une réduction considérable des coûts.

(Source de la photo ci-dessus : https://www.dreamstime.com/)

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