Progresser dans l’économie circulaire demande parfois de l'audace

22 janvier 2024
Article
Thomas Vandenhaute

Blocages et interdépendances : l’œuf ou la poule ? (Partie 2)

Toute entreprise impliquée dans la pratique de l'économie circulaire y est confrontée : les impasses, les situations qui nécessitent d'abord des changements externes avant de pouvoir progresser, ou encore celles où les parties s'attendent mutuellement parce qu'elles sont interdépendantes. Nous explicitons ces situations à l'aide d'allégories de l'œuf et de la poule. 

Vous êtes prêt à commercialiser des produits et services circulaires, mais les clients ne sont pas disposés à en payer le coût plus élevé. Faut-il que la demande des clients augmente ou que l'offre s'étoffe ? 

Vous souhaitez entrer dans une collaboration pour réutiliser les produits mis au rebut, mais la réglementation ne le permet pas. Faut-il que la réglementation change ou que les produits ne deviennent pas des déchets en fin de vie ? 

Ces situations de l’œuf ou la poule sont nombreuses et vous donnent l'impression de ne pas pouvoir progresser. Il existe cependant une issue.

Dans le premier article, nous avons appris comment les poules peuvent changer de perspective grâce à leur liberté de mouvement et comment les œufs se développent de l'intérieur jusqu'à ce que la coquille se brise, permettant au poussin d'éclore. Mais quid si la poule ne veut pas que l'œuf se brise ?

Il est tout à fait possible de se sortir de ce type d'impasse également, à condition que les deux parties soient disposées à comprendre réellement les points de vue, les valeurs et les objectifs de l'autre. Si la disposition au dialogue et l’ouverture à l’apprentissage sont présents, il est possible de trouver des objectifs communs tels que l'allongement de la durée de vie, une solution rentable, des fonctionnalités sans incidence négative sur l'environnement, des nouvelles sources de revenus supplémentaires sans surcoût, un accès à de nouveaux marchés, une réutilisation accrue, … Dans ces cas, la coquille de l'œuf se brise, avec l'accord de la poule qui voit d’un bon œil l’éclosion d’un poussin.

Il arrive que la poule ne veuille pas que la coquille de l'œuf se brise 

La réussite n’est pas toujours au rendez-vous. Parfois, vous ne parvenez pas à trouver un terrain d'entente suffisamment large pour développer votre idée circulaire. 

Dans ce cas, cherchez d'autres alliés au sein de l'entreprise (l’œuf) mais en dehors des régulateurs, des décideurs politiques ou de votre direction (la poule), et lancez de petites actions exploratoires avec ce groupe interne de personnes partageant les mêmes idées. Dans bien des cas, vous franchirez ainsi, en toute discrétion, les limites existantes en entreprenant des démarches sans approbation aucune. Il y a de fortes chances que froissiez l’un ou l’autre… Alors l'astuce consiste à aller suffisamment loin pour apprendre et démontrer que votre idée n'est pas si folle que cela, tout en évitant que les risques que vous prenez ou générez pour votre entreprise, ne deviennent trop importants. Le programme « We play circular » de Decathlon, orchestré par Luc Teerlinck, a également connu de pareilles situations, avant de déboucher sur un premier essai pratique auprès de 70 clients pilotes et d'être développé davantage. Il s'agit de l'un des éléments de l'analyse de réussites figurant dans notre article consacré aux raisons pour lesquelles il vaut mieux ne pas s'aventure seul sur le chemin de l'économie circulaire

Un exemple : un produit mis au rebut par le client, est en réalité un déchet. Il vous est interdit de transporter des déchets sans le permis adéquat. Vous souhaitez démanteler une machine sur votre site pour en apprendre davantage ou pour effectuer des tests. En théorie, vous ne pouvez pas transporter cette machine vous-même. Cependant, si vous convenez avec le client d'inspecter la machine pour en vérifier la réparabilité, vous pouvez la transporter, à condition que le client ne l'ait pas encore mise au rebut. En pratique, le transport physique est identique dans les deux cas. Accepterez-vous que l’on vous empêche de transporter une machine afin d'élargir vos connaissances ou de tester votre hypothèse ? De toute évidence, il s'agit d'un problème qu’il vous faudra résoudre si vous souhaitez réellement lancer commercialement la reprise pour le remanufacturage. Mais vous n'en êtes pas encore là. 

Libre à vous d’être « désobéissant » pour une action particulière, d’ignorer les conseils ou de passer à l'action sans approbation. Élaborez toujours un raisonnement et une argumentation solides pour expliquer les raisons qui vous ont poussé à entreprendre ces démarches. Ce raisonnement constitue la base d’une concertation continue avec les autres parties concernées. Il est également au cœur de ce que vous voulez démontrer ou des enseignements que vous en tirerez.

Il se peut que votre test ne se déroule pas comme prévu. Dans ce cas, vous vous engagez à expliciter et à partager les enseignements qui s’imposent. Il s'agit d'un moment charnière, où de nouvelles perspectives vous conduisent à de nouvelles hypothèses et à de nouveaux tests. Veillez à ne pas troubler les relations. Après tout, il ne s'agit pas d'avoir raison ; l'essentiel est d'apprendre et de progresser ensemble vers des objectifs circulaires. 

Rien ne vous empêche par ailleurs de créer un environnement sans règlementations, dans lequel vous effectuez des tests en dehors des structures habituelles. En fait, vous cherchez un contexte vous permettant de supprimer les règles (obstacles limitatifs) de vos partenaires potentiels notamment. 

Exemple de cas : WAAK

WAAK, une entreprise de travail adapté, a entrepris des démarches pour faciliter et encourager la collaboration dès les premières phases d'exploration. En particulier, il est possible de mener certaines activités (de base) avec les opérateurs au sein de leur infrastructure, où le déploiement des tests peut avoir lieu en dehors de leur système ERP établi (pas de création de nouveau fournisseur, de bon de commande, etc.). Lors de cette phase d'exploration initiale, l'équipe du projet circulaire a toute latitude pour développer des activités et en tirer des enseignements. WAAK et le partenaire potentiel peuvent ainsi accumuler plus rapidement des connaissances et de l'expérience. Cette latitude d'expérimentation est évidemment balisée par des contraintes de coût, de main-d'œuvre, d'investissement, etc. Cette méthode nous éclaire sur la fiabilité des partenaires et abaisse le seuil de coopération.

Envie d'en savoir plus ? Laissez-vous inspirer par le cas de WAAK.

Comment trouver les bons partenaires pour votre projet de remanufacturage ? Vous en apprendrez plus dans cet article.

 

La situation de l’œuf et la poule en deux mots 

  • Ne laissez pas l'œuf ou la poule vous paralyser.
  • Changez de perspective, élargissez-là et adoptez une approche itérative à partir de référentiels existants qui ont fait leurs preuves. 
  • Explorez les contradictions et recherchez des objectifs identiques comme tremplin vers de petits changements.
  • Enfreignez les règles, repoussez les limites au maximum tout en veillant à éviter les dangers et les risques.
  • Il faut parfois faire preuve d'un peu de désobéissance pour démontrer le potentiel circulaire. 
  • Les relations sont essentielles : veillez à les gardez intactes à tout moment.
  • Documentez votre raisonnement et vos hypothèses, et servez-vous-en comme base pour un dialogue permanent.

Vous voulez en savoir plus sur la manière d’aborder des blocages circulaires dans la pratique ? Contactez-nous !

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet COOCK Cirkel : mise en place d'activités visant à prolonger la durée de vie des produits, et les défis y relatifs. 

  

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