Au secours, la croissance de notre productivité est en baisse ! Quatre nouveaux conseils pour doper votre productivité (partie 21)

04 août 2022
Article
Pascal Pollet
Dans la première partie de cette série, nous avons discuté en détail de la productivité des entreprises belges. Ces dernières années, la croissance de la productivité dans notre pays a été décevante. Elle est en retrait par rapport aux pays voisins. La croissance de la productivité est déterminante pour notre prospérité à long terme. Le Comité d'étude sur le vieillissement estime ainsi que l'abordabilité des pensions dépend pour 8/9 de la croissance de la productivité et pour 1/9 de la croissance de l'emploi.

Pour aider les entreprises belges à améliorer leur productivité, nous rassemblons des conseils que nous publions régulièrement. Ces conseils se concentrent sur des améliorations réalisables par tout le monde.

Conseil 87 : Réduisez les temps d'arrêt en cas de panne

Deux facteurs déterminent la productivité d'une machine : le temps moyen entre les pannes (MTBF - mean time between failure) et le délai moyen de réparation (MTTR - mean time to repair). Le temps entre les pannes peut être augmenté par une meilleure maintenance préventive (voir conseil 26). Quelques mesures simples peuvent également réduire les temps d'arrêt :

  • Identifiez rapidement les dysfonctionnements, par exemple à l'aide de témoins (clignotants) ou d'alarmes sonores. En travaillant avec des tonalités différentes selon le poste de travail, les opérateurs pourront identifier facilement la source du dysfonctionnement.
  • Employez des informations claires sur la nature des pannes, dans une langue comprise par les opérateurs. « FEHLFUNKTION 342 » ne veut rien dire. « Bourrage papier Cassette 2 - Ouvrez la cassette et retirez le papier » est déjà bien plus clair.
  • Établissez des conventions sur ce qu'il faut faire en cas de panne. Déterminez qui est autorisé à réparer quelles pannes, afin d'éviter d'autres dysfonctionnements des machines. Fixez également le temps que les opérateurs peuvent prendre à essayer de résoudre le problème eux-mêmes avant d'appeler à l'aide. Précisez aussi qui il faut contacter et comment (ne pas envoyer un mail, mais appeler !).
  • Facilitez les appels à l'aide. Par exemple, nous connaissons une entreprise qui a collé un autocollant avec le numéro du helpdesk sur chaque téléphone. On évite ainsi de perdre du temps à chercher le numéro, mais cela encourage aussi à ne pas attendre pour appeler.
  • Mettez en place une formation et des instructions adéquates pour résoudre les pannes les plus courantes. La loi de Pareto s'observe souvent lors des pannes (voir conseil 82) : 20% des causes de dysfonctionnement sont responsables d'environ 80% des pannes. Focalisez donc la formation et les instructions sur les dysfonctionnements les plus courants.

La vidéo suivante montre comment une entreprise est parvenue à réduire les temps d'arrêt en améliorant les instructions pour les opérateurs grâce à l'utilisation de codes QR et d'instructions vidéo (voir conseil 54).

Conseil 88 : Ne vendez PAS trop

Dans de nombreuses entreprises, la collaboration entre les ventes et la production est boiteuse. Les deux départements ne sont pas sur la même longueur d'onde. Les vendeurs sont incités à maximiser le chiffre d'affaires, tandis que la production doit minimiser les coûts. On espère ainsi augmenter les profits. C'est pourtant faire fausse route que d'adopter une telle stratégie. Si les vendeurs sont incités à gonfler le chiffre d'affaires, ils vont avoir tendance à proposer des réductions. Le chiffre d'affaires va donc augmenter, mais le bénéfice globalement diminuer. C'est particulièrement pénible pour une entreprise qui est déjà à la limite de ses capacités. En découlent des coûts supplémentaires (heures supplémentaires, intérimaires, sous-traitance accrue, etc.) et une baisse des performances en livraison, ce qui nuit à la réputation et entraîne le mécontentement de toutes les parties. Autrement dit, vendre plus d'unités que la capacité disponible est contre-productif.

La solution est pourtant simple : arrêtez de surcharger involontairement le navire jusqu'à le faire sombrer. Le département commercial n'a pas pour mission d'augmenter le chiffre d'affaires, mais de maximiser les profits en tenant compte des contraintes de capacité.

Pour améliorer structurellement la collaboration entre les ventes et la production, il faut mettre en place une concertation 'Sales and Operations Planning (S&OP)'. Les représentants des ventes, de la production et des achats vont ainsi se réunir tous les mois pour discuter de la planification à moyen et long terme. Les échanges réguliers permettront à la production de mieux adapter la capacité à l'évolution attendue du marché, car les ventes savent mieux combien d'unités il faut vendre par famille de produits. En ciblant les clients et les produits les plus rentables, le département commercial va pouvoir maximiser les bénéfices sans causer inutilement de problèmes avec une croissance excessive des ventes (voir conseil 71 sur l'ajustement du prix).

Il est ici important de fixer correctement les incitants pour les vendeurs. Ne recourez donc pas aux commissions sur le chiffre d'affaires, mais aux commissions sur la marge réalisée sur les produits vendus.

Conseil 89 : Visitez une autre usine

La visite d'une autre entreprise est un excellent moyen de s'inspirer pour optimiser son activité. Vous découvrez ainsi ce qui fonctionne ailleurs, mais cela vous donne aussi du ressort pour vous lancer. Il faut le voir pour le croire.

Lors d'une visite d'entreprise, il y a souvent beaucoup à voir et on peut vite se sentir dépassé. Limitez donc le nombre de points que vous souhaitez explorer et posez des questions ciblées. La visite guidée est également l'occasion d'aiguiser votre sens de l'observation. Vous pouvez par exemple évaluer la productivité au moyen d'un instantané multi-moments (voir conseil 16), faire une estimation des stocks (quel est l'âge du stock ?) ou jeter un œil aux panneaux d'information (sont-ils à jour ?).

Chaque année, au terme d'une sélection rigoureuse, des entreprises manufacturières belges se voient décerner le titre d'Usine du futur. Il s'agit des entreprises les plus performantes dans plusieurs domaines. Elles peuvent être visitées lors du roadshow annuel d'Agoria. Vous trouverez plus d'informations ici.

Conseil 90 : Évitez la suringénierie

« Il n'y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne devrait pas du tout être fait », prêchait le gourou du management Peter Drucker. Cela semble évident, mais de nombreuses entreprises tombent malgré tout dans le piège. La suringénierie en est un bel exemple.

On parle de suringénierie lorsqu'on met au point des solutions plus avancées que nécessaire. On la rencontre couramment dans la conception de matériel et elle est particulièrement problématique dans le domaine des logiciels. La suringénierie consiste généralement à ajouter des fonctionnalités qui ne sont pas nécessaires, à éliminer des inconvénients qui sont acceptables pour les utilisateurs ou à dépasser les spécifications de conception. Rolls Royce a ainsi mis au point une télécommande pour utiliser l'autoradio depuis le siège arrière. Les clients n'en avaient pourtant que faire, il leur suffisait de demander au chauffeur de le faire.

La suringénierie fait baisser la productivité des concepteurs, augmente les coûts de production du matériel et les coûts de maintenance du logiciel, et prolonge les délais de mise sur le marché. En fin de compte, la commercialisation d'un nouveau produit peut même échouer parce qu'il est jugé trop cher ou trop complexe.

Pour éviter la suringénierie, concentrez-vous sur ces points :

  • N'essayez pas de mettre au point un produit qui peut tout faire pour tout le monde, mais focalisez-vous sur un segment de marché.
  • Cernez les réels besoins de votre client et ce pour quoi il est prêt à payer. Certains besoins ne sont que des 'order qualifiers', pour lesquels il suffit de satisfaire le minimum. Pour beaucoup de clients, une vraie roue de secours n'est pas nécessaire : un kit de réparation bon marché est suffisant.
  • Réfléchissez à la solution la plus simple pour résoudre un problème. La solution la plus sophistiquée n'est pas la meilleure (voir conseil 43) !
  • Évitez les fonctionnalités qui ne seront pertinentes que dans un avenir 'lointain' ou dans des cas exceptionnels.
  • Formulez des spécifications complètes et claires et fixez les méthodes d'essai correspondantes.
  • Assurez-vous que le concept n'est pas trop peu sophistiqué (panne prématurée) ni trop sophistiqué (inutilement robuste).
  • Tenez compte également de la suringénierie pour les aspects connexes (méthode de conditionnement, fréquence de maintenance, etc.).
  • Discutez avec les concepteurs des caractéristiques de suringénierie (p. ex. poids, coût, taille) et mettez-les au défi de trouver une solution améliorée de 10%, par exemple.
  • Concevez avec les tolérances les plus larges possibles et évitez d'utiliser des matériaux exotiques.

En conclusion

Vous avez vous aussi des conseils ? N’hésitez pas à nous les transmettre. Nous pourrons les partager et gagner en productivité tous ensemble. Le meilleur conseil de la semaine sera récompensé par un cadeau sympa ! 

Vous trouverez ici une vue d’ensemble des autres parties de cette série de conseils.

La réduction des délais d'exécution permet à l'entreprise de se développer et de réduire de nombreux frais indirects. La stratégie de production Quick response manufacturing (QRM) offre ces avantages aux entreprises dans un environnement de produits fortement diversifiés à faible volume. À partir du 8 novembre (Gand) et du 17 novembre (Diepenbeek), nous organisons notre prochain cycle de formation consacré à QRM.
Une formation QRM niveau Silver est organisée par Technifutur et débutera le 29 septembre à Liège.
 

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