Unified Namespace

Unified Namespace: une nouvelle étape dans la normalisation de l’Industrie 4.0

Article
Christophe Michiels
Véronique Dossogne
Jakob Kesteloot

Une nouvelle étape pour surmonter le manque d’interopérabilité et de normalisation

L’Internet Industriel des Objets (IIoT) et l’Industrie 4.0 transforment notre façon de connecter, de surveiller et de commander des systèmes et des appareils industriels. Cependant, l’un des plus grands défis dans ce domaine est le manque d’interopérabilité et de normalisation parmi les différents protocoles, formats de données et plateformes. Ceci engendre des silos de données, des inefficacités et une complexité croissante. Pour surmonter ce défi, un nouveau concept baptisé Unified Namespace (UNS) s’est imposé comme une nouvelle étape intéressante dans la normalisation de l’IIoT et de l’Industrie 4.0.

L'UNS est une couche d’abstraction logique qui assure une collecte unifiée de toutes les sources et destinations de données dans un système industriel, indépendamment des protocoles et formats sous-jacents. L'UNS permet l’échange, l’intégration et l’analyse des données en toute transparence entre différents dispositifs, applications et plateformes.

Le terme « Unified Namespace » (ou espace de noms unifié) a été inventé vers 2015 par Walker Reynolds, fondateur et CEO d’Intellic Integration. Il l’a défini comme « un schéma de nommage hiérarchique qui attribue un identifiant unique et non ambigu à chaque objet dans un système ».

Quel problème l’UNS vient-il résoudre?

L’Industrie 3.0 était caractérisée par l’automatisation de processus industriels à l’aide d’ordinateurs et de réseaux. Cependant, cela conduisait également à une prolifération de nombreuses connexions point à point entre différents appareils et applications, tels que capteurs, actionneurs, PLC, systèmes SCADA, systèmes ERP & MES, etc.

Cette approche présentait plusieurs inconvénients, tels que :

  • Manque d’interopérabilité : les différents appareils et applications utilisaient différents protocoles, formats de données et plateformes, ce qui compliquait les échanges de données entre eux.
  • Grande complexité : chaque connexion point à point nécessitait une intégration, une configuration et une maintenance sur mesure, ce qui augmentait la complexité et le coût du système.
  • Faible évolutivité : chaque connexion point à point avait une bande passante et une fiabilité limitées, ce qui limitait le nombre de données et d’appareils pouvant être gérés par le système.
  • Flexibilité médiocre : chaque connexion point à point était fixe et rigide, ce qui compliquait l’ajout, le retrait ou la modification de sources et de destinations de données dans le système.
  • Faible efficacité : chaque connexion point à point impliquait des transferts, des conversions et des validations de données redondants, ce qui gaspillait des ressources de réseau et de la puissance de calcul.
  • Faible sécurité : chaque connexion point à point exposait les données à des risques potentiels d’écoutes, de falsifications ou d’intrusions.

Tout cela a abouti à la fameuse architecture spaghetti de l’Industrie 3.0.

(Source: HiveMQ)

L’Industrie 4.0 vise à surmonter ces inconvénients en utilisant une solution basée sur un courtier central pour les communications de données. Un courtier (broker) est un composant logiciel qui sert de médiateur entre différents appareils, applications et services. Un courtier reconnaît plusieurs formats de données. Il gère également un espace de noms hiérarchique qui associe toutes les sources et destinations de données à des noms logiques et des topics.

Cette approche présente plusieurs avantages, tels que :

  • Interopérabilité : un courtier permet un échange de données transparent entre différents protocoles, formats de données et plateformes, sans nécessiter des modifications sur les appareils ou applications existants.
  • Simplicité : un courtier réduit la complexité des communications de données en fournissant une vue unifiée de toutes les sources et destinations de données dans le système.
  • Évolutivité : un courtier prend en charge l’évolutivité horizontale et verticale de l’infrastructure pour gérer de gros volumes de données et d’appareils dans le système.
  • Flexibilité : un courtier permet l’ajout, le retrait et la modification dynamiques de sources et de destinations de données dans le système sans affecter les flux de données existants.
  • Efficacité : un courtier améliore l’efficacité des communications de données en éliminant les transferts, les conversions et les validations de données redondants.
  • Sécurité : un courtier assure le chiffrement, l’authentification, l’autorisation et le contrôle d’accès de bout en bout pour toutes les communications de données dans le système.
(Source: Cirrus)

L’utilisation d’une architecture basée sur un courtier central garantit des flux de données totalement intégrés à tous les niveaux de votre entreprise. De plus, les flux de données ne se limitent pas à des systèmes d’atelier classiques, mais pourraient facilement coopérer avec des flux de données de niveau supérieur du genre ERP et MES. Ce flux de données totalement intégré est représenté sur le graphique suivant.

(Source: Op-tec Systems)

Une telle architecture peut être mise en place pour de nouveaux projets, tandis que vos anciennes intégrations peuvent être actualisées une par une. Ainsi, l’UNS peut devenir l’axe central de votre transformation numérique, en offrant la possibilité d’évoluer et de s’adapter à mesure que votre organisation saisit de nouvelles opportunités et exploite de nouvelles technologies.

Comment fonctionne l’UNS ?

L’UNS s’appuie sur une architecture basée sur un courtier, qui fait office de plateforme centrale pour toutes les communications de données dans un système industriel.

L’UNS est une structure de données hiérarchique qui fournit une méthode cohérente d’organisation et de nommage des données dans un système d’IoT industriel (IIoT). Il permet de créer une seule source de vérité pour l’ensemble de vos données, indépendamment de leur origine ou de leur lieu de stockage.

L’UNS est basé sur le protocole MQTT, un protocole léger de messagerie de type « publish/subscribe » qui dissocie les producteurs de données (publishers) des consommateurs de données (subscribers). Les publishers (émetteurs) et les subscribers (abonnés) ne communiquent pas directement entre eux mais recourent à un courtier servant de point de communication central. Un courtier peut prendre en charge plusieurs topics (sujets). Chaque topic est un identifiant unique qui représente un flux de données spécifique.

(Source: Radu Boncea/ResearchGate)

 L’UNS est normalement divisé en trois niveaux :

  • Niveau racine : ce niveau identifie l’ensemble du système ou de l’installation.
  • Niveau intermédiaire : ce niveau identifie les différents sous-systèmes ou zones à l’intérieur du système.
  • Niveau feuille : ce niveau identifie des objets individuels au sein du système, tels que capteurs, actionneurs, machines et produits.

L’organisation de la structure en topics est habituellement fondée sur la norme ISA-95 partie B. Cette structure se présente comme suit : Company/Site/Area/Production Line/Work cell/Sensor.

(Source: International Society of Automation)

Dans un courtier MQTT, les données (payload) peuvent prendre diverses formes, qui vont du simple binaire au mode texte. Les données en mode texte, souvent au format JSON, offrent des avantages évidents car elles peuvent facilement être analysées par des algorithmes et par des humains, ce qui facilite un traitement de données efficace et simplifie les processus de débogage.

Pour mener à bien une véritable transformation numérique, les fabricants doivent mettre la priorité sur la maîtrise et la propriété de leurs données, un aspect crucial qui ne peut être garanti que par l’adoption de systèmes ouverts. L’UNS associé à un courtier MQTT servira de catalyseur essentiel dans cette démarche, en permettant aux fabricants de conserver la souveraineté sur leurs données tout en favorisant une communication et une interopérabilité transparentes, ce qui au final facilitera un parcours réussi vers une véritable transformation numérique.

Exigences techniques minimales pour l’UNS

  • Architecture ouverte : les spécifications MQTT sont en accès public pour la mise en œuvre d’un projet. De nombreuses organisations ont adopté ces spécifications, ce qui permet de permuter ou d’ajouter facilement des composants provenant de différents fournisseurs IIoT dans l’écosystème de données UNS.
  • Léger : les créateurs du protocole MQTT l’ont initialement élaboré pour surveiller des oléoducs par satellite ; ils l’ont donc conçu pour avoir un surdébit minimal afin de répondre aux exigences de fiabilité et d’efficacité en bande passante. De plus, MQTT utilise un protocole binaire, ce qui réduit sensiblement le surdébit sur le câble.
  • Report by Exception : Avec la règle « Report by Exception » (signalisation des écarts) du protocole MQTT Sparkplug, les émetteurs n’envoient des données vers l’UNS que lorsqu’ils détectent des variations de la valeur surveillée. La signalisation des seules modifications permet à l’UNS de gérer l’état actuel de ses composants d’architecture sans sonder en permanence les sources de données pour déterminer un état actuel.
  • Edge Driven : les données sont adressées à l’UNS (courtier MQTT) par des noeuds à la périphérie du réseau comme source de vérité unique contrairement à la collecte de données machines modélisées issues de différentes sources intermédiaires.

Transformation numérique, Industrie 4.0 et UNS

La transformation numérique est un long cheminement qui s’étend sur plusieurs années. Elle commence par les étapes critiques consistant à connecter, collecter, stocker, signaler et visualiser de grandes quantités de données et d’informations. Ensuite, on utilise l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle pour trouver des associations intéressantes et réaliser des prédictions afin de résoudre plus facilement et plus rapidement des problèmes futurs.

(Source: HighByte)

Pour former un cadre robuste propice à la transformation numérique, l’UNS est une base idéale. Les capteurs envoient leurs valeurs et les changements d’état au courtier, tandis que les bases de données chronologiques ou relationnelles s’abonnent à des topics pertinents pour les stocker. Les tableaux de bord affichent des données en temps réel pour que les opérateurs puissent surveiller les machines et les activités en atelier. Ces données sont simultanément envoyées à un courtier en nuage, où elles sont placées dans des lacs de données pour faire l’objet d’analyses approfondies par des algorithmes d’apprentissage automatique et d’IA.

(Source: Maxbyte)

Sirris et l’UNS

En 2019, Sirris a mis en place un site de démonstration baptisé « Made Real », où le principe UNS a servi de base numérique à une intégration transparente. Ce projet innovant était articulé sur le courtier central MQTT, permettant à tous les systèmes de communiquer efficacement. Par cette initiative, Sirris a acquis une expérience inestimable et inédite dans la mise en œuvre et l’utilisation d’architectures exploitant les principes UNS, ce qui a renforcé son expertise en matière de solutions de fabrication avancées.

Découvrez ici notre usine pilote 4.0 Made Real by Sirris : https://youtu.be/mEUM8g0k4gU

L’UNS dans l’industrie

Pour une entreprise, exploiter les avantages de l’UNS est non seulement réalisable mais aussi très profitable. Il n’y a aucune limitation inhérente empêchant l’adaptation du protocole UNS et il garantit une immense flexibilité dans les configurations d’architecture. La collecte des données de machines et de capteurs peut s’intégrer de façon transparente avec l’UNS : une base de données chronologique s’abonne très simplement à des topics pertinents, ce qui simplifie le stockage de données sans nécessiter une intégration poussée. Ces données stockées sont alors aisément accessibles via des tableaux de bord, permettant aux opérateurs de surveiller différents KPI. De plus, les données peuvent être analysées pour découvrir des renseignements précieux, et des modèles d’apprentissage automatique peuvent être entraînés, ce qui fournit aux opérateurs des outils pour optimiser l’efficacité des machines et améliorer les opérations, ce qui au final peut révolutionner les capacités de l’industrie.

Comment se lancer avec l’UNS ?

S’embarquer dans la voie de l’UNS est une démarche très simple. Pour commencer, prenez la peine de suivre les projets AI-Pathfinder ou Walhub (digital coaching/IOT), ou bien contactez les experts de Sirris, qui pourront vous fournir de précieux renseignements sur les options pratiques de mise en œuvre d’un tel système. La configuration d’un prototype est une approche utile pour démontrer les avantages potentiels.

De plus, Sirris apporte son expérience et son assistance pour vos réalisations sous UNS et vos démarches, ce qui garantit une intégration progressive et réussie dans vos activités.

En collaboration avec Flanders' Food, nous offrons un webinaire sur AI et Data pour constructeurs de machines pour l'industrie alimentaire le 01 mars 2024 de 12h00 à 13h00. Plus d'informations sur l'agenda de Flanders' Food. Des expertises sur les machines intelligentes, des capteurs et des techniques de traitement de data seront partagées.

Sources

https://www.hivemq.com/blog/sparkplug-essentials-part-2-architecture/
https://cirrus-link.com/mqtt-security-best-practices/
https://op-tec.co.uk/knowledge/unified-namespace
https://www.researchgate.net/figure/Publish-Subscriber-messaging-3_fig1_309040827
https://www.isa.org/intech-home/2017/november-december/features/isa-95-to-support-smart-manufacturing-iiot
https://www.highbyte.com/blog/is-highbyte-intelligence-hub-a-unified-namespace
https://maxbyte.co/industry-4-0-transformation-roadmap-is-important-for-every-organization/

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