Obstacles juridiques à l'économie circulaire : réalité ou fiction ?

27 novembre 2018
Thomas Vandenhaute

Les entreprises qui appliquent des modèles circulaires - réparation, réutilisation, refabrication, partage de produits - nous font savoir qu'elles se heurtent à de nombreux obstacles juridiques. Ces obstacles sont-ils réels ou est-ce simplement une impression ? Existe-t-il une solution ?

Mon client bénéficie-t-il de moins d'avantages fiscaux s'il choisit de faire réparer ou remettre à neuf des produits plutôt que d'en acheter de nouveaux ?  Si une entreprise de réparation refabrique et distribue à nouveau des produits, risque-t-elle de violer les droits de propriété intellectuelle ?  Dois-je disposer d'un permis pour le transport et le traitement de déchets lorsque j'enlève des produits usagés ou hors d'usage chez un client en vue de leur refabrication et réutilisation ? Si un consommateur répare lui-même un produit, suis-je, en tant que producteur, responsable si un problème se pose avec ou à cause du produit réparé ? Je propose des produits en tant que service. Qui est responsable en cas de dommage lors de leur utilisation ?  L'éclairage ou l'airco intégré que je propose comme service et que je souhaite ensuite reprendre à la fin de la durée contractuelle en vue de le réutiliser ou de le recycler ne devient-il pas la propriété du propriétaire du bâtiment ? 

L'expérience que nous avons acquise dans le cadre de divers projets circulaires, nous a appris de quoi il en retourne.

Traitement fiscal des produits réparés

Imaginons : votre client souhaite faire réparer ou remettre à neuf un produit qui est amorti fiscalement et ainsi, ne pas acheter de nouveau matériel. Il peut ensuite comptabiliser en une seule fois le coût de ce service de réparation en charges au sein du même exercice. Il n'existe donc en principe aucun désavantage fiscal pour votre client qui opte pour la réparation et la réutilisation.

Droits de propriété intellectuelle

Votre entreprise répare des produits d'autres entreprises qui sont brevetés et les revend.  Dans ce cas, il existe un risque réel que vous commettiez une violation des droits de propriété intellectuelle du fabricant original. Il est conseillé de demander l'autorisation au titulaire du brevet pour effectuer des travaux sur son produit. Ceci peut éventuellement se faire en demandant une licence.

Obligation d'enregistrement ou de permis pour le transport ou le traitement de déchets

Imaginons que vous fournissez de nouveaux produits chez un client et que vous reprenez les produits usagés  Vous soumettez ensuite les produits repris à une inspection dans vos ateliers, effectuez quelques réparations limitées et les revendez ensuite d'occasion. Selon la législation, un objet est considéré comme un déchet dès l'instant où son propriétaire s'en débarrasse ou souhaite s'en débarrasser. Le client en question souhaitant se débarrasser des objets usagés, c'est donc la législation sur les déchets qui est applicable à ce moment-là. Si vous acheminez ou faites acheminer les produits vers vos ateliers, vous devez, vous ou votre transporteur, être enregistré en tant que transporteur de déchets. En Flandre, une exception est cependant prévue à l'obligation d'avoir un formulaire d'identification durant le transport des déchets. Si vous pouvez démontrer que les produits sont réutilisés pour le but original, éventuellement après une petite réparation, et qu'il existe un marché clairement identifiable pour les produits d'occasion, ceci indique également que les produits ne sont plus des déchets et que vous ne devez pas avoir un permis pour traitement de déchets. La possibilité de "déchet final" est prévue par la législation européenne, mais n'a pas encore été transposée dans chaque région.

Si vous emportez un produit usagé en vue de sa réparation ou d'une rénovation plus en profondeur et que vous le restituez ensuite au même client, la législation sur les déchets n'est pas applicable. Le client demeure le propriétaire de son produit et paie les services de réparation ou de remise à neuf. Il n'a pas l'intention de se débarrasser du produit. Dans le cas où vous proposez votre produit sous forme de service et que vous le reprenez pendant la durée du contrat pour des réparations ou actualisations, l'intention de son détenteur n'est pas non plus de s'en débarrasser.

Responsabilité du fait des produits

Un producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, celui-ci n'offrant pas la sécurité qu'on est en droit d'en attendre. En l'espèce, il est tenu compte des circonstances concrètes, comme l'utilisation normale ou raisonnablement prévisible du produit. Dans de nombreux cas, le producteur peut arguer que l'adaptation ou la réparation d'un produit par l'utilisateur (p.ex., imprimer une pièce en 3D et puis procéder au remplacement) ne constitue pas une utilisation normale ou raisonnablement prévisible d'un produit. La responsabilité du producteur ne sera pas non plus engagée s'il peut démontrer que le défaut est apparu après que le produit ait été mis sur le marché.

Pour les plateformes de partage et les modèles " produit en tant que service ", il convient de prévoir une définition contractuelle solide de la responsabilité en cas de défauts, dommages, perte etc.

Droit de propriété

Après installation, les biens meubles, comme l'éclairage à encastrer ou les composants d'installations HVAC, deviennent habituellement immeubles par destination, étant donné qu'ils sont rattachés de manière permanente au bâtiment. Imaginons que vous souhaitiez proposer un tel produit en tant que service. Comment vous assurer en tant que producteur que le bien ne devient pas la propriété du propriétaire du bâtiment et que vous pourrez bien le récupérer à la fin du contrat ? Le tout peut être réglé contractuellement. Vous pouvez en outre prendre des mesures de précautions pratiques supplémentaires, comme le marquage de vos produits avec la mention qu'ils sont la propriété de votre société.

Bonne nouvelle !

Les obstacles juridiques souvent mis en avant lors de la mise en place d'une activité circulaire peuvent être levés aisément. Et beaucoup d'aspects peuvent être réglés par voie contractuelle. Les stratégies d'entreprise circulaire s'écartent souvent pour les entreprises qui sont en train de les déployer du business-as-usual, si bien que d'autres règles sont parfois applicables. Il est donc nécessaire de recueillir les bonnes connaissances juridiques ou de vous faire accompagner. De plus, ces stratégies sont susceptibles d'entraîner une augmentation des charges administratives et des coûts augmentent, notamment dans le cas où vos activités circulaires vous obligent à respecter la législation sur les déchets.

Pour ce texte, nous nous sommes basés sur 'Circulaire economie in opleiding bedrijfsjuristen', une étude réalisée par EY à la demande de l'OVAM en 2016 et sur les expériences pratiques acquises dans les projets circulaires réalisés par Sirris et Agoria.    

(Source photo : https://nl.dreamstime.com)

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