Définir des combinaisons produit/service dans la pratique : une question de confiance

22 février 2021
Thomas Vandenhaute

La mise en place d'un produit en tant que combinaison produit/service est une étape courante lorsque l’on tente de rendre l'industrie manufacturière plus circulaire. Elle constituait d’ailleurs le thème de la plus récente session de notre réseau apprenant CE Connect Inspire. Voici les principaux éléments constitutifs ainsi que quelques enseignements.

Autant on parle de combinaisons produit/service, autant il reste de questions sur la manière dont vous, entreprise manufacturière, devez aborder concrètement cette thématique. Dans ce blog, nous vous présentons les principaux éléments constitutifs que vous pouvez utiliser pour vous mettre au travail. En outre, nous vous donnons également quelques enseignements et des expériences d'entreprises qui ont déjà fait quelques pas dans ce domaine. 

Gardez l'objectif à l'esprit

Si vous souhaitez passer d'une vente de produits classiques à une combinaison produit/service, il est logique de repenser votre objectif commercial. Généralement, les entreprises qui élaborent avec succès des stratégies circulaires, font tôt ou tard cet exercice et le présentent expressément. 

Si cette étape est répandue dans les entreprises de pointe, c’est parce qu'elle influence aussi fortement la relation avec le client et les autres parties prenantes. Cela nous amène immédiatement au premier enseignement : plus les services gagnent en importance dans votre modèle de revenus et plus la relation avec le client devient importante. 

La prestation de services est généralement moins tangible et visible que la fourniture de produits physiques. Par conséquent, ce service est aussi moins visible dans l'ensemble de l'organisation du client. Par exemple, la fourniture d’une mise à jour logicielle sur un produit installé n'est pas très visible si vous n’en faites pas part aux personnes qui utilisent votre produit. En d'autres termes, les modèles de revenus axés sur la prestation de services nécessitent des contacts personnels et plus fréquents que la vente ponctuelle d'un produit physique. 

Ces contacts multiples sont les moments où vous donnez forme concrète à votre mission et votre philosophie. L’essentiel consiste à aligner votre mission sur les objectifs du client. 

Si, dans votre modèle de vente, vous ne livrez pas directement à l'utilisateur final et que vous n'avez pas une idée claire de qui il est et de ce qui l'intéresse, vous n'êtes clairement pas placé de façon optimale pour lui proposer des services. Il vous faudra alors recourir à des partenaires ou établir un contact direct.

Sachez où vous intervenez et prévoyez les effets

Si vous êtes en contact direct avec l'utilisateur final, il se peut que vous ayez contourné certaines parties prenantes ou que vous leur ayez coupé l’herbe sous le pied. Il est donc très utile de cartographier votre écosystème. Répertoriez les différents acteurs et tentez de comprendre leurs interdépendances. Par exemple, si vous avez contourné les agents commerciaux parce que vous vous adressez directement au client final, demandez-vous quelle valeur ces agents commerciaux peuvent apporter. Dans de nombreux cas, ils possèdent un vaste réseau, une connaissance spécifique du marché local, des clients et des autres acteurs, ou peuvent fournir des services locaux spécifiques. D'autre part, si ces agents commerciaux n'apportent que peu ou pas de valeur ajoutée pertinente, comment pouvez-vous concevoir votre futur modèle de revenus de manière à ce qu'ils ne soient plus nécessaires à l'établissement et à la gestion de votre relation client ?

La leçon à en tirer est la suivante : un nouveau modèle de revenus provoque toujours des frictions quelque part. À vous de déterminer où elles se situent et qui apporte une réelle valeur ajoutée à un endroit précis. 

Dans le réseau apprenant, nous avons présenté le canevas Circular Systems, que nous allons utiliser. 

Étude de cas

Will Fill fabrique et commercialise des appareils permettant d'effectuer six opérations essentielles sur les émulsions de refroidissement de machines-outils : mesure, analyse, remplissage, conditionnement, rapports et enregistrement des données. Ils optimisent le processus et assurent une consommation correcte (et donc réduite) de ces émulsions. Les appareils sont conçus de façon à pouvoir être mis à jour à distance (IoT). Les données qu'ils collectent donnent lieu à des corrections logicielles régulières (gestion, analyse, rapports, etc.). Ces améliorations sont déployées (à un moment opportun pour le client) et les appareils sur le marché gagnent ainsi constamment en performance et en qualité. De cette façon, il n'y a pas besoin de représentants et la concurrence ne peut pas copier simplement le produit. Celui-ci est en effet en évolution permanente.  

Les trois éléments clés : confiance, confiance et confiance

Même si tout le monde le sait, nous continuons à le sous-estimer : l’établissement de la confiance exige une attention constante, du temps et surtout un objectif commun. Nombre d'entre nous se trouvent dans une logique win-lose ; dans le système linéaire dominant, c'est en effet très souvent la réalité. Le fournisseur vend, le client achète, l'un gagne, l'autre paie, ... Les intérêts sont le plus souvent divergents. De nombreuses entreprises nous disent que même dans une logique de vente, il est difficile d’exploiter le coût total de possession (TCO) comme argument de vente. Par exemple, du côté du client, l'acheteur est évalué sur la base du prix d'achat immédiat et pas nécessairement sur la base du TCO. Les avantages d'un meilleur TCO ne deviennent évidents que lorsque les différents départements font part de leurs coûts et de leurs profits ensemble (coût de l’entretien, coût des mises à niveau, impact sur l'efficacité de la production, etc.). Cela signifie que chez le client, différentes personnes sont concernées par le TCO. La confiance peut jouer un rôle décisif dans ce contexte. Les clients avec lesquels vous avez établi une relation de confiance à long terme sont généralement plus susceptibles de comprendre la logique du TCO. 

Les choses deviennent encore plus complexes si on veut passer à une combinaison produit/service. L'offre est nouvelle, tout comme les contacts avec les différentes personnes concernées chez le client (achat, maintenance, comptabilité, etc.). L’avantage potentiel pour le client peut lui aussi être plus important. Pour pouvoir le mettre en évidence, il faut un large soutien chez le client, et donc une solide dose de confiance. 

Ne vous découragez pas. Le fait qu'un tel processus puisse prendre du temps est également un atout considérable. Vous êtes ainsi assuré de pouvoir aussi adapter et valider votre organisation et vos activités, produits et services avant de passer à l'échelle supérieure.

L’enseignement est le suivant : n’entamez pas vos opérations d’agrandissement tant que la combinaison produit/service n'a pas été validée par les utilisateurs. 

Enfin, vous pouvez tirer parti de deux derniers aspects de l'établissement de cette relation de confiance. Citons tout d'abord la fixation d'un objectif commun. Cela vous permet, avec le client, d'essayer de transformer la logique win-lose en une logique win-win. Il ne faut pas sous-estimer l'importance d’un tel objectif commun. 

Un deuxième aspect concerne l'ouverture et la transparence. Un entretien ouvert avec le client à propos de votre modèle de revenus peut faire des merveilles. Votre client doit en effet savoir que vous ne dirigez pas une organisation caritative, mais que vous voulez assurer la rentabilité de votre entreprise tout en contribuant à l'utilisation à plus long terme des matériaux dans les composants et les produits. Ce dernier élément peut faire partie de l'objectif commun.

L’enseignement est le suivant : en partageant, on reçoit aussi quelque chose en retour : la confiance. 

Étude de cas 

Wouters-Tecnolub conçoit et commercialise des systèmes de dosage pour huiles, notamment pour le secteur du béton, le moulage, etc. L'entreprise a repensé sa raison d'être afin d’adopter l'économie circulaire. À présent qu'elle ne souhaite plus vendre ses systèmes, mais les proposer sous la forme de services aux nouveaux clients et à ses clients existants, elle fait face à divers obstacles. Comme le système nécessite jusqu'à 60% d’huile en moins pour parvenir aux mêmes résultats, les fournisseurs d’huiles sont réticents à servir l'entreprise. Les clients envisagent un achat unique et veulent bénéficier des avantages d'une consommation réduite. Désormais, Wouters-Tecnolub parvient de mieux en mieux à contribuer à la réalisation des objectifs du client (préparation économique et qualitative des moules et des coffrages). L'ouverture à l’égard des objectifs et du modèle de revenus de l'entreprise contribue à développer cette relation de confiance. L'entreprise a également conçu une autre application pour son système qui cadre dans la lutte contre le COVID-19 et qu'elle propose exclusivement par une prestation de services. Bref, les enseignements peuvent également être utilisés sur d'autres nouveaux marchés. 

Vous aimeriez vous aussi mettre en place un système produit/service ou vous avez des questions sur la marche à suivre ? N'hésitez pas à nous contacter. Nous pourrons ainsi vous orienter vers l’assistance la plus appropriée : individuelle (orientation, coaching, etc.), collective (masterclasses, webinaires, etc.) ou cocréative (réseaux apprenants, coaching de groupe, etc.).

(Source image Wouters-Tecnolub)

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